Papier.be lutte contre le greenwashing et met en garde contre la vague de numérisation énergivore
Entretien avec le président Firmin François sur les préjugés à l'égard du papier

Malgré des améliorations notables dans la perception par les consommateurs de l'impact environnemental du papier, une étude récente montre qu'il est urgent de redoubler d'efforts pour informer correctement les consommateurs sur la durabilité des produits en papier. Nous nous sommes entretenus à ce sujet avec Firmin François, le président de la fédération sectorielle Papier.be.
L'étude a été menée par Papier.be, en collaboration avec son homologue international Two Sides, qui, en tant que bureau d'étude britannique, se concentre exclusivement sur les thèmes du papier et de l'environnement.
Informations trompeuses
L'industrie du papier est souvent victime d'informations trompeuses et parfois fausses sur la durabilité du papier par rapport aux options numériques. Papier.be, l'association de la chaîne du papier dans notre pays, met en garde contre de telles pratiques qui font le lit du greenwashing. L'organisation prend également des mesures à l'encontre de plusieurs entreprises et organisations qui continuent à utiliser des arguments environnementaux trompeurs et non fondés contre le papier dans leurs communications.

Bien que l'enquête indique une légère amélioration de l'image environnementale du papier par rapport à il y a deux ans, l'industrie continue de souffrir de préjugés alimentés par des informations trompeuses. Des affirmations marketing non fondées telles que "ne m'imprimez pas, sauvez un arbre" sont encore régulièrement utilisées pour convaincre les consommateurs d'opter pour une alternative numérique.
L'impact du numérique
"Tout comme le papier, la communication numérique a également un impact sur l'environnement", a déclaré François, "et les consommateurs n'en sont pas conscients. L'industrie numérique représente à elle seule 5 à 9% de la consommation mondiale d'électricité, soit plus de 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si rien n'est fait, ce chiffre pourrait atteindre 14% des gaz à effet de serre d'ici 2040."

"Tout le monde a aujourd'hui un téléphone portable, un ordinateur, une tablette. Mais quelles sont les matières premières nécessaires à la fabrication de ces supports numériques? Elles sont principalement extraites dans les pays du Sud et, bien sûr, transportées aux quatre coins du monde."
"À l'inverse, le secteur de l'impression et du papier en Europe n'émet que 0,8% des gaz à effet de serre industriels, ce qui en fait l'un des plus faibles émetteurs du paysage industriel." De plus amples informations sur les émissions exactes et les chiffres du recyclage de l'industrie papetière mondiale sont disponibles sur le site web de Two Sides.
"Lorsque les consommateurs pensent au papier, ils pensent automatiquement aux forêts qui sont abattues partout. Or nous n'utilisons que les sous-produits de la forêt ou de la scierie comme matière première pour la production de papier. Plus précisément, la fibre, les déchets, qui restent après que les plus gros morceaux de l'arbre ont été utilisés dans d'autres secteurs tels que la fabrication de meubles."
Réduction des coûts
Toutefois, selon l'enquête, plus de la moitié des consommateurs (63%) réfutent les allégations environnementales qui font du papier la tête de turc. Ils les jugent trompeuses et principalement motivées par des économies de coûts. En outre, plus de deux consommateurs sur trois déclarent qu'ils préfèrent avoir le droit de choisir le mode de réception de leurs documents plutôt que d'être contraints de choisir des options numériques.
Manque de connaissances
François souligne la différence entre l'écoblanchiment et une attaque directe contre l'industrie du papier. Dans de nombreux cas, il s'agit simplement d'un manque d'information et de communication, en d'autres termes d'un manque de connaissances, tant chez les particuliers que dans les entreprises. Mettre la phrase "ne m'imprimez pas, sauvez un arbre" au bas de votre e-mail est facile à faire et donne rapidement à votre entreprise une image verte et donc bonne.
Les entreprises qui envoient des factures numériques, par exemple, se cachent derrière l'argument environnemental, mais veulent en fait économiser des coûts. Les gens ne connaissent pas le prix exact du stockage dans le nuage, mais ils connaissent le prix d'un paquet de papier et d'une imprimante dans un magasin. Or le stockage numérique coûte énormément d'énergie, et donc d'argent."
La fièvre de l'IA
Récemment, le journal économique De Tijd a titré "Les émissions de CO2 de Google ont augmenté de moitié en cinq ans". L'article révèle que Google a vu ses émissions de CO2 passer à 14,3 millions de tonnes en 2023, soit 48% de plus qu'en 2019. Cette augmentation est le résultat d'une demande accrue d'intelligence artificielle, selon la société Internet. Les centres de données qui les alimentent nécessitent beaucoup d'énergie. Les concurrents Amazon et Microsoft sont également confrontés à ce problème.

Microsoft a indiqué en mai 2024 que ses émissions de CO2 avaient augmenté de 30% depuis 2020. Ces résultats vont à l'encontre des intentions de Google et de Microsoft de fonctionner de manière totalement neutre sur le plan climatique d'ici à 2030.
La fièvre de l'IA entraîne une croissance vertigineuse du nombre de centres de données. Ces derniers sont très gourmands en énergie et menacent la transition énergétique dans de nombreux pays. En Irlande, tous les nouveaux centres de données prévus consommeraient ensemble plus d'énergie qu'il n'en est produit de manière durable dans le pays.
En effet, l'IA repose sur le traitement d'énormes quantités de données, ce qui nécessite des milliards d'opérations. Lorsque nous faisons appel à l'algorithme de recommandation de notre service de streaming préféré, nous ne pensons pas à la gigantesque consommation d'énergie qui le sous-tend. Une grande partie est encore générée par les combustibles fossiles. La popularité des applications de l'IA a donc aussi un revers.

Plus de forêts en Europe
L'argument le plus souvent avancé contre le papier est la disparition des forêts due à l'utilisation du bois comme matière première pour la production de papier. L'enquête montre que 63% des personnes interrogées pensent que les forêts européennes diminuent.
"En réalité, les forêts européennes ont augmenté d'environ 58 000 kilomètres carrés entre 2005 et 2020", souligne François. "C'est une superficie plus grande que la Suisse. Cela est dû au rfeboisement par la plantation d'arbres sur des terres qui n'étaient pas boisées auparavant et à l'expansion naturelle des forêts dans les zones inhabitées."

L'enquête montre que la perception positive du papier progresse. Mais elle souligne surtout l'importance d'investir dans l'information des consommateurs sur la nature durable des produits de papeterie. En effet, la chaîne du papier soutient la croissance des forêts européennes gérées durablement et l'utilisation responsable du bois résiduel provenant des forêts et des scieries. "De plus, le taux de recyclage européen est de 71,4%, ce qui fait de l'industrie papetière un acteur majeur et un pionnier de l'économie circulaire."
Rôle du papier
À l'heure où la digitalisation règne en maître, il est plus que jamais crucial de s'attarder sur l'importance du papier. C'est pourquoi Papier.be a lancé sa campagne 'Le papier pour mieux respirer?' à la fin de l'année 2023. "Le papier n'est pas seulement un matériau, mais un maillon indispensable de notre société, un partenaire de la durabilité et un gardien de la connaissance et de la créativité", explique François.
"Avec cette campagne, nous voulons souligner non seulement que le papier oxygène nos pensées, mais aussi qu'il contribue à un avenir durable."

Labyrinthe numérique
D'un autre côté, nous pouvons aujourd'hui être submergés de solutions numériques et d'applications censées nous faciliter la vie. Le gouvernement fait de l'offre de services en ligne une priorité, mais dans le même temps, les Belges se perdent dans un labyrinthe numérique.
4 Belges sur 10 sont numériquement vulnérables, selon le baromètre de l'inclusion numérique de la Fondation Roi Baudouin. Les chiffres sont en baisse, mais il y a encore du travail à faire, souligne la fondation.
Outre les applications gouvernementales telles que eBox, des acteurs privés fournissent également une partie du service. Par exemple, Doccle vous permet de recevoir et de stocker des factures ou des documents des administrations. De cette manière, vous êtes souvent informé d'un nouveau message ou d'une nouvelle facture par plusieurs canaux: via le courrier, l'eBox et Doccle.

Une étude précédente a déjà montré que la moitié des Belges ne parviennent pas à maîtriser les applications numériques telles que Doccle ou Zoomit. De nombreux citoyens préfèrent également recevoir leurs documents sur papier. Ilse Mariën, professeur d'inclusion numérique à la VUB et ambassadrice de Papier.be, insiste donc sur la liberté de choix entre le papier et le numérique.
Outre le gouvernement, les grands détaillants populaires optent également pour les tickets de caisse numériques. Dans certains magasins, il n'est plus possible d'obtenir un ticket de caisse papier: il faut donner son numéro de téléphone ou télécharger l'application de l'enseigne pour recevoir un ticket de caisse électronique.
Pour de nombreux consommateurs, cette solution n'est ni efficace ni transparente. Elle soulève également pour beaucoup des questions sur le respect de leur vie privée. Papier.be souligne que le libre choix entre le papier et le numérique devrait être garanti à chaque citoyen et consommateur.
"Nous ne sommes pas opposés à la numérisation. Les deux secteurs sont complémentaires. Tout a un impact, nous voulons une prise de conscience et une communication claire", conclut François.
Papier.be réunit les différents acteurs de la chaîne papetière belge: propriétaires forestiers, producteurs et transformateurs de pâte à papier, de papier et de carton, imprimeurs, éditeurs de journaux, de magazines, de journaux gratuits ainsi que les recycleurs de papier et de carton. Papier.be informe, communique et sensibilise le grand public sur le rôle et la valeur intrinsèque du papier et de ses dérivés dans le domaine social, économique et écologique.