UNE NOUVELLE TECHNOLOGIE EXIGE UNE CHAINE DE VALEUR PERFORMANTE
imec développe aujourd'hui les innovations de demain
Dans notre pays, nous pouvons nous targuer d'avoir un éventail de centres de connaissances qui réalisent de magnifiques choses. L'un des joyaux de notre couronne technologique est imec, qui mène des recherches innovantes depuis sa création en 1984 dans des secteurs tels que la micro-électronique, la nanotechnologie et la technologie pour systèmes ICT. Nous retrouvons aussi cette technologie - sous l'égide de Smart industry et Industry 4.0 - dans des applications de nos entreprises. Nous avons eu un double entretien avec deux conseillers d'imec, Kris Van de Voorde et Stefan Vermeulen.
Sur Kris Van de Voorde
Kris Van de Voorde travaille depuis 21 ans chez imec et peut s'enorgueillir d'un joli palmarès dans le centre de recherche. Après ses études d'ingénieur dans le courant fort, il a atterri via un travail de fin d'étude dans l'électronique de puissance pour la microélectronique d'imec. Au début, il était actif dans le lancement de start-ups dans divers domaines. Après avoir obtenu un MBA, il s'est mis peu à peu à regarder par-delà son secteur. Depuis 2002, cela s'est exprimé e.a. dans des projets pour les industries du textile, des PCB et de l'assemblage, la construction, l'industrie manufacturière ainsi que les secteurs agricole et alimentaire.
”Les laboratoires jouent un role important, car les entreprise peuvent d’emblee y voir ce qui est possible pour elles”
SIX DOMAINES D'APPLICATION
Motion Control: Pouvez-vous expliquer brièvement votre approche d'imec?
Kris Van de Voorde: “Nous répartissons nos activités dans six domaines d'application: Smart Health, Smart Mobility, Smart Cities, Smart Industries, Smart Energy et Smart Education. Vous y trouvez le matériel et les concepts logiciels qui les supportent: CMOS, technologie de capteur et technologie de puces flexible d'une part, Networking, Digital Privacy & Security Software et Data Management Skills d'autre part. Nous collaborons avec toutes sortes d'acteurs du secteur technologique. Dans le Smart Industry, il s'agit par exemple des centres de connaissances tels que Flanders Make, Sirris et Flanders Food.“
SMART INDUSTRIES
Motion Control: Smart Industries semble être le domaine le plus intéressant pour nos lecteurs. Quelle est l'approche autour de cet aspect? Stefan Vermeulen: “Ici, nous voyons quatre piliers importants auxquels les départements de production sont confrontés: primo l'efficacité dans la production, l'énergie et les matières premières, secundo la qualité du produit et la surveillance, tertio les batches plus petits avec des produits adaptés et enfin, le temps utilisable des machines."
Van de Voorde enchaîne: “Outre Smart Industrie, nous parlons souvent d'Industry 4.0. Pour moi, ce concept comporte trois grands piliers: deux verticaux et un horizontal. Comme piliers verticaux, je vois 'smart production' et 'smart products'. J'y ajoute un pilier horizontal avec le data modelling et des algorithmes. Ce pilier est essentiel, aussi je le place horizontalement pour coordonner les autres piliers.
Mais la règle autour d'Industry 4.0 est aussi: 'What's in a name?' Je connais des entreprises qui travaillent depuis 20 ans sur des évolutions qualifiées maintenant d'Industry 4.0. L'état des lieux, toutes entreprises confondues, est très divers. Utilisation optimale de vos données, utilisation intelligente des capteurs, tableaux de bord, rétroactivité via la maintenance, surveillance à distance: chaque entreprise devrait regarder où elle se situe aujourd'hui et où elle veut aller. Chaque entreprise ne doit pas miser sur toutes les facettes d'Industry 4.0; cela peut être différent pour chaque entreprise.“
Motion Control: Vous vous situez du côté développement. N'avez-vous pas l'impression que le passage vers l'aire de production est un peu plus lent que souhaité?
Van de Voorde: “Les laboratoires et Living Labs sont ici très importants; ceux qui sont axés sur la smart maintenance, la smart connectivity et les robots collaboratifs, en sont de beaux exemples. Cela rend tout tangible pour les entreprises. Il existe différents types de laboratoires: certains sont destinés à susciter l'enthousiasme des entreprises pour la technologie, d'autres visent à tester réellement la pratique. Le Food Pilot (le terrain d'essai d'ILVO & Flanders' Food) en est un bel exemple: là, les entreprises peuvent réellement laisser leurs opérateurs agir dans une disposition réelle. Un autre type est le semi-remorque des robots collaboratifs de Flanders Make, le visiteur peut y découvrir le mix de technologies existantes et futures."
“Pour les entreprises actives dans la construction de machines, le pas vers la recherche approfondie d'imec est souvent très grand. Elles veulent surtout un proof of concepts dont la mise en œuvre est évidente. Ces laboratoires jouent ici un rôle important, car elles peuvent voir d'emblée ce qui est possible pour elles. Nous devons continuer d'essayer de les motiver à atteindre un TRL (Technology Readiness Level) plus élevé et de stimuler ceci, pour concocter un roadbook sur lequel nous pouvons travailler.“
Vermeulen: "L'impulsion novatrice diffère selon l'entreprise. Dans certaines entreprises, on exécute encore un grand travail manuel. Et il existe des différences entre les secteurs. Toutes les entreprises ne sont pas aussi avancées"
Van de Voorde: "'Smart' ne doit pas forcément évoquer la production ou la digitalisation. Le secteur textile en est un bel exemple. Je m'étonne que, malgré l'âpre concurrence sur les prix venue d'Asie, nos entreprises parviennent quand même à faire preuve d'une énorme impulsion novatrice. Une entreprise telle que Concordia lance par exemple une nouvelle gamme de produits tous les six mois. La base en est l'innovation dans la recherche de matériau, avec la digitalisation comme moteur qui garantit la nécessaire avance. Un autre exemple est l'industrie de l'assemblage pour PCB (printed circuit boards). Celle-ci a été confrontée en 2005 à une législation environnementale plus stricte qui interdisait l'utilisation du plomb dans les brasages. Ceci a induit une expertise dans la modélisation de la fiabilité et de la faisabilité au niveau PCB. Cette modélisation a induit un concept 'first time right' qui permet de travailler nettement moins cher. Financer ce concept par la fabrication et l'amélioration continues de prototypes physiques est nettement plus coûteux que développer un modèle. Nos entreprises sont plus compétitives, et cela permet à son tour de récupérer la production dans notre région. Dans ce projet, il s'agit des producteurs d'électronique, mais également et surtout des constructeurs de machines et d'appareils qui ont de l'électronique dans leur produit. Ils réalisent de plus en plus que le 'low cost' n'est souvent payant qu'à court terme."
Motion Control: Constatez-vous une différence d'impulsion novatrice entre les secteurs?
Van de Voorde: "Honnêtement, je constate peu de différence de bonne volonté. Une fois qu'un concept technologique est mature pour l'introduction sur le marché, vous voyez que les entreprises les plus novatrices dans chaque secteur vont l'utiliser. Une différence est bel et bien la propension à investir. Certains secteurs disposent de plus de capitaux que d'autres. Les marges subissent aussi une plus grande pression dans un secteur que dans un autre. Ceci induit une différence de rythme. Développer une technologie est une chose, nous devons aussi nous soucier de l'implémentation dans le marché. Un exemple: les caméras hyperspectrales. Les versions originales de ces caméras existent depuis tout un temps déjà, mais nous les avons entièrement miniaturisées en plaçant l'optique sur une puce via un filtre. Le prix a plongé, ce qui les rend nettement plus abordables pour les entreprises. Mais l'histoire ne s'arrête pas là: si vous voulez accélérer l'implémentation de ce genre de nouvelles technologies, vous devez aussi examiner la chaîne de valeur complète: vous devez trouver des partenaires dans l'industrie qui veulent coopérer, comme les fabricants de caméras de vision et les intégrateurs de système. C'est un point très important dans l'Industry 4.0. Un autre écueil est la volonté d'amortir trop vite la courbe d'apprentissage sur les premiers clients lors du passage à une nouvelle technologie. Cela complique le développement de la technologie."
Sur Stefan Vermeulen
Après ses études dans une orientation économique aux Pays-Bas, la carrière de Stefan Vermeulen a débuté chez certains acteurs du secteur des télécoms. Outre quelques start-ups, des mastodontes y figuraient aussi, comme KPN et T-Mobile. Il est arrivé en Belgique il y a dix ans via son partenaire. Chez imec, il s’occupe notamment du lien entre le matériel et le logiciel pour des concepts tels qu’Industry 4.0.
"La couverture indoor de votre réseau est une exigence de base pour utiliser la plupart des technologies"
Motion Control: Quelles technologies sous-jacentes importantes voyez-vous poindre dans l'histoire 'smart industries'?
Stefan Vermeulen: "Pour la surveillance de qualité et de processus, nous travaillons sur les capteurs et actionneurs, la technologie flexible et la technologie de vision." Van de Voorde: “Bien que la technologie de vision soit un peu étriquée en termes de description. La technologie spectrale en fait aussi partie. Nous combinons souvent cette technique avec des systèmes de vision ordinaires. Vous avez une image, mais aussi une grande information qui peut assurer l'identification de votre produit. C'est ainsi que nous développons des caméras hyperspectrales pouvant être engagées pour détecter des objets étrangers, déterminer la couleur et la composition de produit dans le secteur alimentaire. Nous développons ici les nouveaux types de capteurs qui rehaussent complètement le niveau de ces applications."
Stefan Vermeulen: "L'important est d'indiquer la plus-value de cette technologie. Le contrôle se fait en temps réel dans ce cas, ce n'est pas un instantané par une étude de laboratoire, une alarme venant d'un capteur ou une image de caméra qui ne vous avertit d'un manquement dans votre qualité de production qu'une heure plus tard."
Van de Voorde: “L'électronique flexible et même 'stretchable' progresse aussi. Ici, nous examinons les applications de mesure de la charge physique des opérateurs par une électronique intégrée dans leurs vêtements.“
Vermeulen: “Le concept de l''augmented operator' est aussi un pilier important dans notre vision de la smart industry. Nous examinons les techniques que nous pouvons proposer aux opérateurs pour améliorer et sécuriser leur travail. Des concepts intéressants sont, par exemple, le positionnement des travailleurs dans une grande usine, par le biais de bracelets. Une autre étude très intéressante concerne la collaboration avec le cobot. Le robot doit prendre conscience de son environnement, mais ceci nécessite sans aucun doute une combinaison de techniques. Nous étudions cela actuellement avec Flanders Make."
Motion Control: Que peut signifier imec concrètement pour l'industrie en Belgique? Pouvez-vous donner des exemples de récents développements qui entraînent une application dans la vie réelle?
Stefan Vermeulen: "Nous développons par exemple des algorithmes en collaboration avec des entreprises, par lesquels nous optimisons l'utilisation des matières premières. L'imbrication - comme cela s'appelle officiellement - est utilisée pour maximiser le nombre de sièges dans un morceau de cuir. Cette technique peut s'appliquer dans l'industrie de l'aluminium. Mais l'empilage optimal des palettes, voire l'amélioration des processus logistiques, peut aussi être réalisée. Un autre exemple d'application est la technologie VGA grâce à laquelle nous détectons l'emplacement exact des véhicules sur la base de la visual light."
“Un autre développement intéressant est notre outil de test pour le réseau sans fil industriel. La couverture indoor de votre réseau est une exigence de base pour utiliser la plupart des technologies. Dans la méthode de travail traditionnelle, vous devez mesurer à partir de tous les angles et ensuite déterminer la réception quasi sur la base des plans. Cet outil a été testé dans de grandes entreprises et est bien plus rapide et plus simple."
“Aloxy est aussi un très bon exemple. Cette société est une spin-off d'imec qui est active dans l'industrie des processus. Dans ce secteur spécifique, la sécurité est effectivement très importante. Après l'entretien technique, vous voulez donc savoir si tous les clapets sont bien repositionnés. Ceci peut être contrôlé à distance, sans fil et de façon sûre, avec une étiquette Aloxy."
Plus d'informations sur www.imec-int.com
INTERUNIVERSITAIR MICRO-ELEKTRONICA CENTRUM (IMEC)
imec est entre-temps un partenaire familier des entreprises, start-ups et universités, et réunit plus de 4.000 scientifiques de grande valeur originaires de plus de 88 pays. imec a son siège social à Leuven et des groupes de R&D disséminés dans un certain nombre d'universités flamandes, aux Pays-Bas, à Taïwan, aux USA, en Chine, et des bureaux en Inde et au Japon.
La mission d'imec ne réside plus seulement sur le matériel, mais également sur l'aspect digital, cela va plus loin que le développement de puces. La force d'imec - Interuniversitair Micro-Elektronica Centrum - réside aussi dans l'infrastructure, la salle blanche étant le nec plus ultra. Absolu. Là est développée et testée la technologie de puce ultramoderne.
Motion Control: La question qui se pose, est de savoir comment utiliser ces connaissances acquises. On pourrait s'attendre de la part d'une partie qui se voit allouer des fonds publics que ces connaissances refluent vers le marché. Mais quid si ces recherches sont en partie financées par un seul acteur?
Kris Van de Voorde: "C'est très complexe. Vous avez notre trajet d'innovation et vous développez une étude commune avec les partenaires. Mais sur un certain point, les intérêts deviennent un peu plus divers. Les entreprises veulent peut-être s'orienter un peu plus vers leur application, mais nous ne voulons pas non plus bloquer notre trajet de recherche. Si vous êtes lié à plusieurs partenaires, vous devez donc conclure de bons accords quant à l'orientation et la distribution de votre acquisition de connaissances. C'est possible par exemple sous la forme de licences, ou le dépôt de brevets communs. Mais c'est effectivement complexe et cela dépend du projet en question."