Nouvelles graphiquesPremium

L'essor des plateformes

Même Adobe voit encore du potentiel pour l'imprimé 

Le marché est en pleine consolidation. Les petits imprimeurs traditionnels ont du mal à concurrencer les gros et certains cherchent leur salut dans l'adhésion à l'une des nombreuses plateformes en ligne. Leurs promoteurs leur promettent revenus, ressources et nouveaux clients. Mais quelle plateforme choisir? À quoi être attentif? Et que veulent-elles de leur côté? 

Platformeconomie
L'économie de plateforme permet de construire un réseau international à forte croissance moyennant un faible investissement 

Pendant des années, il n'a été question dans les salons et événements que de 'cloud', de 'portails' et de boutiques 'en marque blanche'. Pour autant, les imprimeurs ne se sont pas pressés au portillon. Des problèmes avec les API et les connexions électroniques, la fin des contacts directs avec les clients et l'idée inconfortable de devoir échanger toutes sortes d'informations commerciales par l'intermédiaire d'un tiers expliquaient cette réticence.

Pendant ce temps, les relations avec les donneurs d'ordres de l'industrie graphique ont poursuivi leur cours. Les clients veulent commander en ligne, de préférence auprès d'un guichet unique ; ils souhaitent être informés de l'état d'avancement de leur commande et attendent une livraison rapide – à un prix attractif, bien entendu. Parfois, le but est seulement de commercialiser un produit ou de proposer un design de base. Ce à quoi un autre élément est venu s'ajouter: le client donne la préférence à un fournisseur qui a une bonne réputation en matière de développement durable.

Difficile pour une petite entreprise de répondre seule à autant d'exigences en même temps. L'industrie graphique cultive une longue tradition de sous-traitance et de collaboration, mais pas au point de pouvoir rivaliser avec les niveaux de service et de prix des grands acteurs. Le client ignore la différence entre une commande d'imprimé conventionnel et une impression à la demande. Il ne fait pas la distinction entre textile imprimé, bâche, dépliant ou magazine. Il commande des imprimés comme il achèterait un rasoir, une chemise ou un téléphone.

Adobe
Adobe a annoncé de travailler à la mise en place d'un réseau mondial d'imprimeurs

Les imprimeurs en ligne se sont engouffrés dans la brèche et, forts de leurs boutiques en ligne conviviales, de leurs partenariats intelligents et de leurs méthodes de production optimisées, ils ont généré des économies d'échelle et donc des prix bas. Et les grandes imprimeries se sont chargées d'en assurer la production. Au fur et à mesure de leur développement, les opérateurs en ligne ont commencé à nourrir des ambitions internationales. Ils ont ouvert des succursales à l'étranger et y ont cherché des partenaires.

L'imprimeur traditionnel conserve un droit d'exister grâce à sa fonction locale et/ou régionale. Le client sait que l'imprimé est produit dans les environs. En outre – exigence supplémentaire – il veut aujourd'hui que les imprimés soient produits dans la région du client final, où qu'il se trouve. L'économie de plateforme résulte de la somme de ces évolutions. Elle permet la mise en place d'un réseau international à croissance rapide moyennant de faibles investissements ; elle garantit une production locale proche de l'adresse de livraison et offre aux petites imprimeries un moyen de ne pas sombrer corps et âme face à la concurrence des grands acteurs en ligne.

Exemple hypothétique

Cloudprinter
L'objectif de Cloudprinter.com est clair: imprimer à la demande (Photo: Messe Düsseldorf) 

Imaginons un photographe qui a en projet la réalisation d'un livre photo spécialement consacré aux cascades islandaises. L'ouvrage peut être commandé sur son site web. L'auteur pense pouvoir en écouler une centaine d'exemplaires à l'échelon national, tout en sachant qu'il pourrait intéresser deux cents fois plus de personnes dans le monde. S'il imprime 20.000 ex, qui devront ensuite être expédiés à l'étranger, il prend un gros risque financier. Les frais d'envoi sont élevés et les consommateurs devront attendre longtemps leur commande. De plus, cette solution implique de nombreux transports et n'est donc pas écologique. Sans compter tous les invendus – disons 5.000 – qui finiront au pilon. La masse de travail pour notre photographe s'annonce par ailleurs colossale: conception, mise en page, création d'un site Web où proposer son livre, plus tout le volet marketing à assurer.

Une plateforme résout beaucoup des problèmes du photographe. Il réalise lui-même la mise en forme en ligne à l'aide d'un logiciel convivial. Il crée un environnement commercial au sein de la plateforme, ou bien il propose son livre par l'intermédiaire de l'une des boutiques existantes. À chaque commande entrante, le livre est imprimé à la demande dans une imprimerie proche de l'adresse de livraison. Toutes les opérations administratives et de production sont à charge de la plateforme. Le produit de la vente du livre est versé chaque mois sur le compte du photographe.

Cet exemple parmi d'autres n'est certainement pas à généraliser à toutes les plateformes. Il en existe de toutes sortes. Certaines se limitent à proposer des achats groupés de marchandises, d'autres sont des solutions tout-en-un qui facilitent la vente en ligne, le flux de travail et la production. Leur principal commun dénominateur est qu'elles fonctionnent toutes dans le Cloud. L'utilisateur n'a plus rien à installer et à configurer; il lui suffit de se connecter pour participer.

En quelques clics

Gelato op Drupa
L'imprimeur a la promesse que son flux de production et l'automatisation – de la commande au produit final – seront pris en charge par GelatoConnect (Photo: Messe Düsseldorf)

Gelato se présente comme l'une de ces solutions tout-en-un. L'internaute qui se connecte doit répondre à une série de questions sur la base desquelles – si tout se passe bien – il accédera à un environnement de travail exactement conforme à ses exigences. L'imprimeur a la promesse que même le flux de production et l'automatisation – de la commande au produit final – seront pris en charge par GelatoConnect. Le marketing de Gelato porte à croire que tant le client (qui veut vendre des tee-shirts imprimés, par exemple) que le producteur (qui doit les imprimer) peuvent tout régler en quelques clics. L'argent rentre alors automatiquement – c'est du moins l'impression donnée.

Gelato a bien compris la frilosité des imprimeurs (et de leurs clients) face à l'informatique. Les prestataires graphiques sont généralement réticents à l'idée de devoir créer une API pour se connecter à une plateforme. Un obstacle que lèvent de nombreuses plateformes modernes.

Tom Peire
Tom Peire, CEO de Four Pees. L'intégrateur système a lancé Atomix au printemps 

Suite logique

L'éditeur de logiciels Four Pees le promet lui aussi: la connexion à sa nouvelle plateforme Atomix ne requiert aucune connaissance informatique. Atomix s'efforce de proposer une solution globale et se définit comme une plateforme d'intégration en tant que service (iPaaS). Les utilisateurs ont accès à diverses applications que Four Pees proposait auparavant en tant que logiciels distincts. Avec Atomix, celles-ci sont entièrement intégrées dans une solution Cloud. D'où un gain d'efficacité, assure le fournisseur, mais aussi de temps. Par exemple, le contrôle de grandes quantités de PDF est souvent plus rapide en ligne qu'un traitement séparé sur le propre serveur.

L'utilisateur d'Atomix peut tirer parti de la plateforme de nombreuses manières, par exemple pour collaborer avec d'autres imprimeries et d'autres plateformes d'impression en ligne. Le système semble ainsi lui laisser plus de liberté que Gelato, qui donne le sentiment de vouloir prendre à son compte toutes les tâches de l'imprimerie connectée. En fait, Atomix est la suite logique du travail que Four Pees a toujours assuré pour ses clients en tant qu'intégrateur numérique. Il ne suffit pas d'acheter et d'installer un logiciel pour qu'un flux de travail fonctionne efficacement. Aussi Four Pees s'est-elle souvent chargée elle-même de la mise en œuvre et de la configuration sur site. Un processus qui devient partiellement superflu avec Atomix. L'intégrateur peut en grande partie superviser la configuration du système à distance, pour peu que cela soit encore nécessaire.

L'une des plateformes auxquelles Atomix peut être relié est Cloudprinter.com. Avec un objectif clair: imprimer à la demande, partout. Les commandes d'impression sont automatiquement acheminées vers le producteur adéquat, c'est-à-dire, le mieux situé par rapport à l'adresse de livraison. L'intégration – l'entreprise ne s'en cache pas – requiert un certain bagage technique. Les instructions et les codes sources pour les développeurs sont disponibles sur le site web. Ce qui n'a pas particulièrement rebuté les imprimeurs, puisque plus de 240 imprimeries de plus de 100 pays se sont connectées au système.

La promesse de Cloudprinter montre clairement comment une plateforme combinée à un réseau de spécialistes et de sites de production peut tirer parti des avantages d'une impression locale. Une augmentation ou réduction d'échelle est facile, et la livraison est rapide, bon marché et respectueuse de l'environnement puisque le transport se fait sur une courte distance.

Conception en ligne

Canva
Canva se présente comme un environnement de conception en ligne pour une variété d'applications, dont la création d'imprimés 

Le marketing de Canva est différent. Cette entreprise se présente principalement comme un environnement de conception en ligne pour toutes sortes d'applications, y compris la création d'imprimés. On peut y télécharger son propre dessin au format PDF et le (faire) imprimer soi-même. Mais aussi le commander immédiatement à un imprimeur par l'entremise de Canva.

Mais il y a un hic, comme pour d'autres acteurs du même type que Canva. En soi, la conception avec le système est extrêmement simple. Il est donc largement utilisé, par exemple, par des marketers, qui n'ont pas les connaissances techniques d'un designer professionnel. Si ce n'est que les imprimeurs non affiliés à Canva reçoivent alors un PDF qui ne répond pas à leurs standards usuels. Ce qui pose des exigences particulières en termes de contrôle de fichiers, de gestion des couleurs et de flux de production.

Toujours est-il que le concept de Canva et Gelato fonctionne. La preuve: Adobe s'engage dans la même voie avec son très accessible outil de conception Express AI. En juillet, le géant du logiciel a annoncé travailler à la mise en place d'un réseau mondial d'imprimeurs. Il est ainsi possible de faire imprimer sa création dans une entreprise affiliée, directement à partir d'Express AI. Mais les entreprises peuvent également intégrer Express AI à leur site web et le mettre ainsi à la disposition de leurs clients.

Questions importantes

cybersecurity
Une plateforme doit pouvoir avancer de solides garanties concernant la sécurité de ses systèmes 

Rejoindre une plateforme est intéressant pour de nombreuses entreprises. Le choix est vaste et de multiples niveaux d'intégration sont possibles. Le Cloud est plus ou moins entré dans les mœurs. Il est toutefois important de bien se renseigner au préalable sur les conditions. Si les commandes, les informations de gestion et l'automatisation passent par la même plateforme, l'entreprise risque d'en devenir totalement dépendante. Et quid si le flux de commandes se tarit? La plateforme se réserve-t-elle le droit de renégocier les tarifs au fil du temps? Peut-elle couper les ponts si elle n'est pas satisfaite de votre qualité? Qu'advient-il des informations clients?

Sans oublier la question de la protection des données. Des hackers peuvent facilement paralyser une plateforme mal sécurisée et dérober toutes les informations qu'elle contient. La plateforme peut toujours commettre une fausse manœuvre sur le site Web ou souffrir d'un bug logiciel. Quand une entreprise classique est victime de la cybercriminalité ou d'une panne informatique, la situation peut être problématique pour elle. Mais dans le cas d'une plateforme, c'est tout le réseau qui en pâtit. C'est pourquoi la plateforme doit pouvoir avancer de solides garanties concernant la sécurité de ses systèmes.

La question des plateformes mérite largement d'être creusée par les entreprises. Le concept est en pleine évolution et est commercialement attractif. On connaît les exemples spectaculaires d'Uber et d'Airbnb dans d'autres segments du marché. Ces sociétés génèrent d'énormes revenus avec relativement peu de personnel grâce à un réseau en pleine expansion. Le marché graphique offre toutes sortes d'opportunités aux créateurs de plateformes. Il est important que celles-ci puissent aussi bénéficier aux entreprises graphiques et à leurs clients.

Landa en Gelato
(De gauche à droite:) Henrik Müller, CEO et fondateur de Gelato, et Gil Oron, CEO de Landa Digital Printing, à la Drupa 

Les constructeurs s'associent aux plateformes
Les fabricants de presses numériques HP et Landa ont profité de la drupa pour annoncer leurs partenariats respectifs avec Canva et Gelato. Tout en préservant toutefois un certain flou quant à la teneur exacte de leur coopération. Les deux plateformes servent de passerelle entre le client créatif et le client producteur et ne sont pas tributaires d'un matériel spécifique.
Dans son communiqué de presse, HP semblait faire allusion à l'intégration de son propre logiciel avec celui de Canva, avec à la clé certains avantages en termes de production. Quant à la communication sur la collaboration entre Landa et Gelato, elle consistait principalement en un éloge réciproque des produits et services de l'autre. La responsable du marketing présente sur le stand de Gelato à la drupa n'a pas été en mesure de répondre aux questions posées à ce propos. "Nous sommes en principe agnostiques en matière d'équipement. L'utilisateur choisit son propre parc de machines et nous nous y connectons. La valeur ajoutée de la coopération entre Landa et Gelato doit donc s'exprimer sur un autre terrain."
On en a appris davantage en poussant l'investigation sur le stand de l'un des autres développeurs. Tant les constructeurs de machines que les développeurs de plateformes sont informés de la technologie, de la situation financière et de la position sur le marché de leurs clients. Des informations certes censées être confidentielles, mais il doit bien exister des situations dans lesquelles les deux parties pourraient tirer avantage d'un échange de ces connaissances.

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accès numérique à 35 revues spécialisées et à des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sélection de sites web spécialisés
  • checkune visibilité maximale pour votre entreprise
Vous êtes déjà abonné? 
Écrit par Alex Kunst10 septembre 2024

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition Récente

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine
Cookies

Nouvelles Graphiques utilise des cookies pour optimiser et personnaliser votre expérience d'utilisateur. En utilisant ce site web, vous acceptez la politique en matière de confidentialité et de cookies.