La curiosité comme facteur de réussite
Le VIGC place 'Het Congres' sous le signe de l'innovation
"L'innovation n'est pas un mot à la mode ou un produit de luxe, mais un état d'esprit", a déclaré Jos Steutelings, directeur du VIGC, lors du coup d'envoi de la onzième édition de 'Het Congres'. Et ceux qui n'en étaient peut-être pas tout à fait convaincus en entrant ne pouvaient plus l'ignorer en sortant de l'événement: "l'innovation est la voie à suivre".
Le monde change rapidement. Les coûts augmentent, les talents se font rares et la technologie évolue à une vitesse fulgurante, explique Steutelings. "Et pourtant - ou peut-être précisément à cause de ça - nous voyons partout dans notre secteur des gens qui transforment ces défis en opportunités. Des entrepreneurs, des imprimeurs, des fournisseurs et des créatifs qui n'attendent pas que l'avenir se présente, mais qui contribuent activement à le façonner". Pour cela, il faut du courage: "le courage de sauter, même si l'on ne sait pas encore exactement où l'on va atterrir". Le VIGC considère qu'il a pour mission non seulement d'encourager ce saut, mais surtout de le rendre possible - et l'édition annuelle de Het Congres est devenu la scène qui permet d'y parvenir.
Un monde turbulent
Trump. La Chine. La Belgique ingouvernable. L'inflation. La stagnation. Ou même la stagflation. Geert Janssens, observateur des tendances économiques, a décrit avec force détails la phase de turbulences dans laquelle se trouve le monde actuellement. Mais cela ne devrait pas nous surprendre, estime cet économiste en chef d'ETION. En effet, "l'histoire se répète, d'abord comme une tragédie, puis comme une farce", a déclaré Geert Janssens en citant la célèbre phrase de Karl Marx. En d'autres termes, nous n'apprenons pas assez de l'histoire. Pour illustrer son propos, il a cité des titres de journaux datant de 1929, qui annonçaient à l'époque une guerre tarifaire entre l'Europe et l'Amérique. "Il s'agit d'une répétition de mouvements à chaque fois. C'est pourquoi la situation actuelle rappelle à nouveau les années 70."
En étant plus conscient des chiffres, des statistiques et des tendances, on est mieux à même de se préparer à ce qui va inévitablement arriver, estime Janssens. "Il y a vingt ans, nous aurions pu nous moquer de la Chine, mais aujourd'hui, elle est devenue un acteur indispensable dans presque toutes les chaînes d'approvisionnement. L'affaiblissement de la position de l'Europe et des États-Unis sur la scène mondiale entraîne des changements majeurs. Selon Janssens, il en résultera à terme une 'coexistence compétitive'. L'Europe devra établir sa propre position, notamment en renforçant l'industrie, pilier majeur de l'économie.
Investir dans l'avenir
L'innovation est une partie importante de la voie à suivre, a déclaré Janssens. "Prenez l'électrification de l'industrie, par exemple. Cela va coûter beaucoup d'argent, mais c'est nécessaire pour nous rendre moins dépendants d'autres régimes." En outre, il considère ce type de dépenses d'innovation comme des investissements indispensables pour l'avenir. Pensez-y: ces dernières années, nous avons payé plus de 850 milliards d'euros de plus en coûts énergétiques à cause de la crise de l'énergie provoquée par la Russie. "C'est de l'argent que nous ne reverrons jamais. Si nous avions investi cet argent à temps dans l'écologisation et l'électrification, nous aurions fait des économies à long terme."
L'affirmation de Steutelings selon laquelle l'innovation "n'est jamais isolée, mais naît de l'interaction entre la technologie et le talent, entre les entreprises et les personnes" a été pleinement approuvée par Lieke Kelchtermans, COO de Mapo Print. Lors d'une conversation avec Mieke Loncke, la modératrice du congrès, elle a expliqué comment Mapo, spécialiste de l'application de revêtements à l'échelle industrielle, s'est retrouvé dans le monde graphique plus ou moins par hasard - et comment cela a conduit à des innovations et à de nouveaux développements sur le marché.
L'imprimante grand format que Mampo a installée en ligne avec une ligne de laquage pour offrir une solution complète à un client existant a également ouvert la porte à de nouvelles applications. Kelchtermans a montré, par exemple, comment des sols sportifs entiers sont désormais imprimés pour RSI Sports Group. Les sols construits à partir de dalles en plastique réutilisables sont revêtus par Mapo d'une laque spéciale qui résiste bien à une utilisation intensive. Pour un autre client, des panneaux OSB sont dotés d'une impression décorative résistante et d'une couche de laque, de sorte que ce matériau de construction n'a plus besoin d'être carrelé ou enduit. Les dalles céramiques imprimées suscitent également un intérêt croissant.
Oser expérimenter
Mapo prend souvent l'initiative de ce genre d'innovations, a expliqué Kelchtermans. "Nous participons activement à la réflexion dans le processus de production du client et nous osons expérimenter. Comment pouvons-nous modifier quelque chose pour rendre le produit final encore plus intéressant pour le client? Nous essayons toujours d'offrir quelque chose en plus que ce que le client vient demander. C'est ainsi que nous découvrons des choses nouvelles que nous pouvons appliquer à d'autres marchés".
En tant que COO, elle considère qu'il est de sa responsabilité d'encourager cette démarche. Elle organise donc des réunions régulières au cours desquelles les quatre établissements de Mapo se réunissent pour discuter de nouveaux projets, brainstormer et sortir des sentiers battus. "C'est là que naissent les nouvelles idées. En effet, il faut toujours regarder vers l'avant. Car si vous travaillez uniquement que sur la production d'aujourd'hui, vous risquez de ne rien avoir à terminer la semaine prochaine".
Kelchtermans: "Il ne faut pas regarder ce qui existe déjà sur le marché et essayer de l'adopter ou de le copier. Il faut oser aller plus loin dans la réflexion et ne pas se laisser décourager si un fournisseur ou un constructeur de machines dit que quelque chose ne fonctionnera pas. Quand j'ai une idée, je suis convaincue qu'elle est réalisable. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où tout est possible".
L'humain reste indispensable
Kurt Persoons, directeur de Zenith Graphics, partage la vision de Kelchtermans. Cette entreprise, âgée de 65 ans, est née de la fusion de plusieurs sociétés et est ainsi passée du statut de spécialiste de la signalisation métallique à celui de producteur de solutions de communication visuelle de haute technologie. Tant en interne qu'en externe, l'innovation joue un rôle important dans la croissance réalisée en dix ans, passant de 30 à 130 employés. Grâce à des investissements dans un système de planification automatisé et à la construction de nouveaux locaux bien conçus, Persoons envisage l'avenir avec confiance.
Persoons estime qu'il est possible de poursuivre la croissance en s'efforçant constamment d'exceller dans tous les domaines et en réalisant toujours des performances dignes de la Ligue des champions. Outre la technologie, l'humain est indispensable: "Nous sommes présents sur six marchés différents. En pratiquant activement la pollinisation croisée, nous pouvons apprendre et profiter les uns des autres. Nous collaborons également en formant des partenariats avec des universités et des fournisseurs."
Pour garantir une culture d'innovation continue, Zenith Graphics organise, entre autres, un 'lunch together' tous les trois mois. "Nous faisons venir un foodtruck et tous les collaborateurs mangent ensemble. Cela crée beaucoup d'interaction entre les personnes, car tout le monde se parle".
Sortir des sentiers battus
La discussion que Mieke Loncke a menée avec Charlotte Paquit (Identic), Tom Deschildre (INNI Group), Geert Gielen (Koninklijke Drukkerij Em. de Jong) et Veerle Vanpanteghem (VIGC) a donné un aperçu intéressant de la manière dont l'innovation et la création de valeur sont perçues dans le secteur graphique. "L'innovation consiste à accélérer les processus", a déclaré Paquit. "Un processus très complexe, mais très structuré", a fait remarquer Deschildere. "Pour Gielen, la définition de l'innovation est la suivante: "Il est très important de regarder par-dessus nos murs, afin de voir ce qui se passe dans le monde - et d'en tirer parti".
Pour que l'innovation crée également de la valeur, Paquit estime qu'elle doit permettre de raccourcir les délais de mise sur le marché. L'évolutivité est également importante, selon Deschildere. Et Gielen voit des opportunités dans les développements technologiques tels que la technologie d'impression numérique. Vanpanteghem a reconnu qu'un certain nombre d'entreprises du secteur de l'imprimerie s'engagent pleinement dans l'innovation et n'ont pas peur des changements, mais aussi que beaucoup d'entreprises sont attentistes et considèrent l'innovation comme 'quelque chose pour plus tard'. "C'est comme ça qu'on se retrouve à la traîne".
Un leadership optimiste
Chez Identic, Charlotte Paquit voit des possibilités d'automatisation des processus: "Avec les plateformes web-to-print, vous donnez aux clients une part d'autonomie, tout en vous permettant de travailler plus efficacement et plus rapidement." Deschildere a montré comment les projets d'innovation peuvent également conduire à un élargissement de la clientèle: avec le développement du calendrier à effeuiller spécial 'De Groene Druivelaar', INNI Group tente également d'atteindre un public nouveau et plus jeune.
Chez l'imprimeur Em. De Jong, les clients existants bénéficient d'une offre plus large, explique Gielen: "Nous sommes sur un marché mature avec les dépliants en porte-à-porte. Les détaillants ont toujours besoin de ce canal, mais le dépliant subit une pression en raison des préoccupations environnementales. C'est pourquoi nous élargissons notre offre: outre les dépliants, nous proposons également des présentoirs et des programmes de fidélité, par exemple. Nos concurrents ne peuvent pas proposer une telle offre, et c'est ainsi que nous renforçons notre position sur le marché".
Gielen est convaincu que l'innovation au sein d'une organisation n'est possible que si l'on fait preuve d'un 'leadership optimiste': "La direction ne peut pas tirer la charrette toute seule. C'est en faisant preuve d'enthousiasme que l'on obtient l'adhésion des gens. Chaque entreprise devra faire la transition. Mieux vaut s'y préparer. Il faut rallier tout le monde en facilitant la créativité: il faut oser faire et oser échouer. Vanpanteghem complète: "Voyez vos défis quotidiens comme une occasion de faire la différence."
La curiosité comme facteur de réussite
Ne pas éviter les défis, mais les relever. Telle est la recette du succès futur, selon Rik Vera (nexxworks), observateur de tendances, qui, en tant qu'orateur principal, a conclue le congrès de manière passionnante: "La curiosité est un facteur de succès très important, y compris dans le secteur graphique". Vera s'est fait l'écho du chaos décrit par Geert Janssens plus tôt dans l'après-midi: "Sur le plan économique et technologique, il se passe toutes sortes de choses qui nous font penser que nous sommes entrés dans une tempête. Mais il s'agit d'une fausse image. Car une tempête passe. Or je pense que cette tempête est le climat dans lequel nous allons être plongés pour le reste de notre existence. Nous vivons à une époque de 'unknown unknowns': nous devrons élaborer des stratégies qui tiennent compte de choses que nous n'avons même pas conscience d'ignorer."
Le livre de management le plus important à lire en ce moment, selon Vera, est donc Alice au pays des merveilles: "En fait, il s'agit de notre monde: un monde qui a été complètement mis sens dessus dessous. Chaque jour, nous nous réveillons et pensons savoir ce qu'il en est, avant de nous rendre compte que nous sommes retombés dans la tanière du lapin sans savoir où nous en sortirons."
Malgré toutes les incertitudes, il est important de continuer à regarder vers l'avenir. Vera prévient que 2040 est plus proche qu'on ne le pense: "Qui ne se souvient pas de la crise bancaire de 2008 comme si c'était hier? C'était pourtant il y a 17 ans. Et 2040, c'est déjà dans 15 ans". Contrairement au film 'Retour vers le futur', dans le monde réel, nous ne pouvons pas retourner dans le passé pour ajuster le présent: "Faites en sorte de ne pas vous réveiller un matin en vous disant: Nous aurions dû agir en 2025, ou en 2027, mais nous l'avons toujours remis à plus tard."
La disruption vient de l'extérieur
La meilleure façon d'anticiper l'avenir est de rester curieux de ce qui se passe dans le monde extérieur. Vera a illustré son propos en prenant l'exemple d'entreprises de location de chaises de plage sur une plage très fréquentée de Rimini - un marché très concurrentiel, où chacun essaie de prendre une ou deux rangées à l'autre, tout en espérant ne pas en perdre une ou deux au profit d'une tierce partie. Et tandis qu'ils optimisent leur activité en rapprochant les petits sièges et en les achetant moins cher en Chine, ils ne prêtent guère attention aux vagues de la mer qui montent de plus en plus haut. Vera: "La disruption vient toujours de l'extérieur. Les changements commencent à petite échelle, il faut les repérer rapidement. Ne commencez pas à résoudre les problèmes lorsque vous êtes devant le fait accompli. L'innovation ne consiste pas à rattraper le temps perdu: vous arriverez trop tard."
"La curiosité est votre superpouvoir", affirme Rik Vera. Il préconise donc un Curiosity Score, qui permet aux entreprises de mesurer la curiosité et de l'utiliser comme indicateur clé de performance (ICP). En tout cas, le fait que le VIGC ait réussi à attirer quelque 170 visiteurs curieux dans son nouveau lieu de congrès, le Vestar, à Anvers, est un bon signe. Jos Steutelings a décrit à juste titre le VIGC comme un bâtisseur de ponts: "Entre la Belgique et les Pays-Bas, entre l'imprimé et le numérique, entre les valeurs établies et les jeunes talents, et entre aujourd'hui et demain."
Photos: Yorgos
